La décision du président Truman de lancer la bombe atomique sur Hiroshima est un des choix les plus controversés de l’Histoire.

Au matin du 6 août 1945, Hiroshima est une ville dynamique, la septième agglomération du Japon, avec une population de plus de 250000 habitants. À la fin de la journée, c’est un champ de ruines. Ce matin-là, une forteresse volante B-29 du 509 bataillon de la 20 Air Force, baptisée Enola Gay, du nom de la mère du pilote, décolle du petit atoll de Tinian, dans l’océan Pacifique. Elle transporte la première bombe à uranium, surnommée Little Boy (Petit Garçon), qui pèse plus de 4 tonnes et mesure un peu plus de 3 m de long. Cette bombe met en œuvre le processus dit de fission, dans lequel le noyau atomique est bombardé par des neutrons et explose, déclenchant une réaction en chaîne qui libère d’énormes quantités d’énergie – l’équivalent d’à peu près 20000 tonnes de TNT.

La cible de l’Enola Gay est le pont d’Aioi. Jusqu’à ce jour, la ville avait été largement épargnée par les nombreux raids aériens américains qui avaient en revanche dévasté le centre des villes de Tokyo et d’Osaka; aussi les Japonais croyaient-ils que les Américains voulaient préserver Hiroshima pour en faire une zone résidentielle en cas d’invasion réussie. Les habitants ne furent donc pas impressionnés par les flots de prospectus déversés sur la ville deux jours auparavant par les bombardiers et sur lesquels on pouvait lire : « Votre ville sera rasée, à moins que votre gouvernement ne capitule ».

À 8h16 exactement, l’avion largue la bombe, qui explose à 530 m au-dessus du sol et à seulement 275 m de son objectif. Un éclair de lumière aveuglant provoqué par une boule de feu de 55 m de diamètre, mille fois plus lumineuse que le Soleil, traverse l’espace. Les immeubles s’effondrent instantanément, le ciel devient jaune foncé; et un i,,ense nuage en forme de champignon s’élève : au sol, les survivants errent tels des fantômes, en état de choc, à la recherche de points de repère et d’êtres chers. Trois jours plus tard, après une nouvelle attaque qui dévaste de la même façon Nagasaki, le Japon capitule.

UNE NÉCESSITÉ ?

Le lancement de la bombe est la décision d’un homme: le président américain Harry Truman. Après avoir pris connaissance d’un communiqué officiel dans lequel le Japon ignore les menaces et définit ses objectifs de guerre, le président déclare: « S’ils n’acceptent pas main tenant nos conditions, ils doivent s’attendre à un déluge aérien destructeur comme on n’en encore jamais vu sur terre ». Après la guerre, Truman sera sévèrement critiqué, mais il ne regrettera jamais sa décision.

À vrai dire, avant comme après le bombardement, l’ampleur et la nature des dévastations ont été largement sous-estimées. Les chefs militaires et les scientifiques, y compris ceux qui ont travaillé à la fabrication de la bombe, ne pensaient pas que celle-ci pouvait provoquer un tel désastre. Et, quand les Japonais ont communiqué le bilan des victimes des radiations les Américains ont cru qu’ils mentaient.

Le bombardement était-il justifié d’un point de vue stratégique? Aux yeux de certains spécialistes, la bombe atomique était nécessaire; sans elle, l’Amérique aurait dû envahir le Japon, ce qui aurait provoqué plus d’un million de victimes américaines et dix fois plus chez les Japonais. À la lumière de ces projections atroces, les chiffres des victimes d’Hiroshima et de Nagasaki (respectivement 140000 et 70000, décédées en 1945, soit plus de 300000 au total) paraissent, sinon justifiés, du moins compréhensibles.

Les partisans du bombardement soulignent aussi l’obstination implacable du Japon, confirmée par la découverte de documents secrets datés du 6 juin 1945 où le gouvernement se montre décidé à « poursuivre la guerre jusqu’au bout « . Le Japon avait aussi prévu de lâcher des milliers d’avions suicide et de mettre sur pied une milice de 30 millions de civils.

L’AVIS DE LA COMMISSION

En 1946, une commission gouvernementale américaine est chargée d’enquêter sur les effets des campagnes de bombardement dans l’Atlantique et dans le Pacifique. Elle mène à bien cette mission, mais elle va plus loin et juge par conjecture que le Japon s’apprêtait à capituler lorsque les bombes ont été jetées:  » L’opinion des experts est que le Japon se serait rendu dans tous les cas avant le 31 décembre 1945, et même probablement avant le 1er novembre, même si les bombes atomiques n’avaient pas été employées ».  On a su plus tard que, le 20 juin 1945, l’empereur Hirohito, après en avoir débattu avec son conseil de guerre. avait décidé de se rendre. Mais son pouvoir était certes limité…